Que faire de Jésus-Christ ?
«Que faire de Jésus-Christ ?» Cette question a, en un sens, un côté franchement comique. Car le vrai problème, ce n'est pas ce que nous devrons faire du Christ, mais ce que lui doit faire de nous. La scène de la mouche qui s'assied et se demande ce qu'elle va faire de l'éléphant a quelque chose de hautement comique.
Éléments de réponse
Mais peut-être devrait-on comprendre la question de la façon suivante: «Comment résoudre le problème de l'historicité du rapport écrit des paroles et des actes de cet homme?» Le problème ainsi posé doit concilier deux aspects. D'une part, il y a la profondeur et la sobriété généralement admises de sa doctrine morale. Celle-ci n'a jamais été sérieusement mise en cause, pas même par les opposants du christianisme.
Souvent, lorsque je discute avec de vrais athées, je constate qu'ils se font un devoir de me dire: «Je suis tout à fait favorable à l'éthique du christianisme. » Et il semble y avoir un assentiment général au fait que dans l'enseignement de cet homme et de ses disciples immédiats, la vérité morale se montre à son degré le plus pur et le meilleur. Nulle trace d'un idéalisme chimérique; au contraire, un chef-d'œuvre de sagesse et de clairvoyance, réaliste, de la plus grande fraîcheur, le produit même d'un esprit sain! Ceci est l'un des phénomènes.
D'autre part, il y a l'énormité des affirmations théologiques de cet homme. Vous savez tous ce que je veux dire par là, mais je voudrais insister sur le fait que ces déclarations stupéfiantes ne se situent pas seulement à un moment de sa vie. Il y eut, bien sûr, le moment crucial qui aboutit à son exécution, lorsque le grand prêtre lui demanda: «Qui es-tu?» et où il répondit: «Je suis l'oint, le Fils du Dieu non-créé et vous me verrez apparaître à la fin des temps comme le Juge de l'univers.» Mais cette affirmation n'est pas liée exclusivement à ce point dramatique de son existence. Si vous considérez attentivement ses conversations, vous en retrouverez des exemples tout le long de sa vie.
Ainsi, il vint vers les gens et leur dit : «Je vous pardonne vos péchés.» Certes, il est assez naturel pour un homme de vous pardonner ce que vous lui avez fait à lui. Si quelqu'un me vole cinquante francs, il est possible et raisonnable pour moi de dire: «Bon, je lui pardonne, n'en parlons plus.» Mais que diriez-vous si quelqu'un vous avait volé cinquante francs, et que moi je dise: «C'est bon, je lui pardonne»? Un autre fait encore, aussi curieux: Un jour que cet homme, assis au sommet d'une colline, contemple Jérusalem, il fait cette remarque ahurissante: «Je continuerai à vous envoyer des prophètes et des sages.» Personne ne relève la chose.
Et pourtant, le voilà qui, à brûle-pourpoint, affirme être l'autorité qui, au travers des siècles, a envoyé dans le monde des sages et des chefs spirituels! Et voici une autre remarque du même ordre. Dans presque toutes les religions il y a des prescriptions déplaisantes comme par exemple le jeûne. Or, cet homme soudainement affirme un jour: «Personne n'a besoin de jeûner tant que je suis là.» Quel est cet homme pour prétendre que sa seule présence suspend les règles établies? Qui est-il pour dire tout d'un coup aux élèves de l'école qu'ils peuvent prendre une demi-journée de congé?