Il est possible de dépasser sa souffrance. Cela ne diminuera pas son intensité, mais de notre attitude face à elle pourront venir notre "délivrance" et notre croissance intérieure. Mal y répondre aura l'effet inverse : affaiblissement de notre être et amoindrissement de la beauté de notre caractère. Non pas que la souffrance soit une vertu en elle-même. Une telle conception cache un certain masochisme mystique. Mais nous pouvons choisir de bien réagir par rapport à la douleur, afin de grandir, de connaître, d'apprendre, de progresser. Du mal peut sortir le bien.
Comment ? Premièrement en prenant le temps de réfléchir et d'analyser ce qui se passe en nous. Être conscient de moi, de ce qui se joue en moi, de mes peurs, de mes frustrations : et si la souffrance était propice à une intériorité salutaire, si derrière les ténèbres perçait une lumière ?
Quelques fois, d'heureux changements de vie sont déclenchés par une épreuve terrible : comme pour ce jeune maghrébin d'un quartier difficile, emmuré dans sa délinquance, inconscient de sa situation, incapable de penser à se sortir de là. Maintenant, c'est un musicien doué, impliqué dans des groupes de la ville et dans une radio. Il a un métier qui le passionne, un avenir ouvert devant lui. Comment a-t-il opéré la métamorphose ? "Grâce", dit-il, "à l'accident" qui lui est arrivé. Il est en effet devenu aveugle, suite à une explosion qu'il avait provoquée. Il aurait pu s'enfoncer encore plus dans les ténèbres. Il en a fait un tremplin pour changer de vie. Bel exemple ! Beau courage !
Les évènements tragiques nous remettent en question, ébranlent nos idées reçues, disloquent les illusions ou les croyances erronées sur lesquelles reposent parfois nos vies. Et si ce qui me faisait mal était en vérité une atteinte à mon orgueil, à mon égoïsme ? Pour celui ou celle qui ose regarder la réalité en face et se remettre en question, le "déshonneur" peut devenir une chance. Quel épanouissement ce sera alors ! Quel bienfait pour lui (ou elle) et pour son entourage ! Ainsi, des menaces (et seulement des menaces) de divorce obligent-elles bon nombre de maris à revoir sérieusement leur comportement vis-à-vis de leurs proches. Pour celui qui souffre mais qui sait ouvrir les yeux sur lui-même, c'est un nouveau départ dans la vie, qui peut suivre.
Enfin, parler de sa plaie à quelqu'un d'autre est également nécessaire : lire, écouter, rechercher les conseils sages, dans une volonté d'échange et de partage. Dans la douleur, les gens se rapprochent les uns des autres. C'est une des conséquences bienheureuses de la souffrance. Celle-ci nous renvoie à notre humanité fragile et vulnérable. Nous (re)découvrons que nous avons besoin les uns des autres.
Nous comprenons mieux celui-là qui nous énervait auparavant, quand nous savons et expérimentons ce par quoi il est passé. Nous écoutons mieux celle-là qui souffre, parce que nous avons ressenti combien la seule écoute compréhensive était précieuse dans l'épreuve. Nous devenons plus humain, c'est-à-dire plus transparent, moins arrogant, plus abordable. Des masques tombent ; notre personnalité s'enrichit de compassion, c'est-à-dire d'un nouveau regard sur les autres, d'un nouveau désir d'aller vers l'autre. Notre égoïsme premier s'efface. La souffrance nous amène des amis. Et si c'était l'occasion d'apprendre un nouveau style de vie ? Pourquoi ne vivre cette proximité, ces relations retrouvées, qu'au travers de situations déplaisantes ?
La souffrance nous interpelle sur notre humanité : nous sommes faillibles, en fin de compte et l'existence est bien vite passée. Pour quoi, pour qui ? La souffrance est aussi peut-être l'occasion d'une rencontre de l'Autre…
Source : A toi de voir